Le salarié lanceur d’alerte, enjeux et protection

Mar 5, 2025 | Exécution du contrat de travail, Rupture du contrat de travail

Dans un contexte dans lequel la transparence des pratiques professionnelles est primordial, un arrêt d’octobre 2024 a réaffirmé le régime de protection dont bénéficient les salariés lanceurs d’alerte, notamment face au licenciement.

Ces derniers, agissant de bonne foi, signalent des faits susceptibles de constituer des infractions, mais s’exposent souvent à des représailles.

Le droit français renforce donc leur protection, comme en témoignent les récentes consécrations jurisprudentielles.

Quel est précisément le rôle du lanceur d’alerte et les protections qui l’entourent ?

Voici un éclairage sur ces salariés au statut spécifique, la procédure de signalement, et le cadre entourant leur protection.

Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ?

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, consacre la définition du lanceur d’alerte, en son article 6.

En droit social, un lanceur d’alerte est celui qui relève, de bonne foi, essentiellement de faits qu’il considère comme constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou de manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement (Cass. soc. 19 janvier 2022, n° 20-10.057)

Il peut également s’agir de signaler ou divulguer :

  • une menace ou un préjudice pour l’intérêt général ;
  • une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation 
    • d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;
    • d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement ;
    • du droit de l’Union européenne ;
    • de la loi ou du règlement.

Néanmoins le monde de l’entreprise n’est généralement concerné que par la première hypothèse, s’agissant de la dénonciation d’un crime ou délit, excepté dans certains secteurs, comme celui de la santé.

A titre d’exemple, ces faits peuvent concerner des pratiques frauduleuses, des violations graves des règles de sécurité, des atteintes à l’environnement, ou encore des comportements mettant en danger la santé.

La procédure de signalement

Le lanceur d’alerte a le choix entre deux canaux de signalement, internes ou externes, qu’il peut utiliser à sa discrétion, sans qu’il y ait de priorité entre eux.

Les personnes physiques qui ont obtenu, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des informations portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entreprise concernée, peuvent signaler ces informations par la voie interne, notamment lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie, et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles.

Les entreprises employant au moins 50 salariés sont tenues d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements.

Dans les entreprises ne disposant pas d’une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, ceux-ci doivent être adressés au supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur, ou à un référent désigné par ce dernier.

Le lanceur d’alerte peut adresser un signalement externe, soit après avoir effectué un signalement interne, soit directement :

 – à l’une des autorités compétentes désignées en annexe au décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022 ; par exemple, à la Direction générale du travail (DGT) ; ou, en matière d’emploi et de formation professionnelle, la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) 

–  au Défenseur des droits 

–  à l’autorité judiciaire, c’est-à-dire au procureur de la République.

La protection des lanceurs d’alerte : Le cadre légal du Code du travail

Afin de protéger les lanceurs d’alerte et d’encourager la dénonciation des faits illégaux ou contraires à l’intérêt public, la loi française a mis en place un cadre juridique spécifique, notamment l’article L1132-3-3 du Code du travail.

Selon cet article, un salarié est protégé contre toute forme d’éviction, de représailles, de sanction ou de licenciement dès lors qu’il a agi de bonne foi en témoignant de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou en relatant de tels faits.

Toute mesure qui serait prononcée à ce titre encourra la nullité, selon l’article L 1132-4 du code du travail.

La seule raison permettant d’écarter le bénéfice de la protection reste la mauvaise foi du salarié lanceur d’alerte, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits dénoncés et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. (Cass. soc.15 février 2023, n° 21-20.342)

Malgré tout, la protection ne s’adresse qu’aux salariés ayant relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime, le juge étant tenu de vérifier que c’est bien ce qui a été fait. (Cass. Soc., 1 juin 2023, n°22-11.310)

La protection contre le licenciement, et l’aménagement de la charge de la preuve : une illustration jurisprudentielle récente

Dans un arrêt d’octobre 2024, une salariée a été licenciée pour faute grave, notamment au visa de prétendues négligences de gestion de sa part.

La salariée a contesté son licenciement, au motif qu’elle avait au préalable signalé à son employeur les vols fréquents commis dans l’établissement où elle exerçait comme cheffe de service, et qu’elle avait annoncé son intention de déposer une plainte à ce sujet.

La Cour de cassation a ainsi notamment retenu à l’appui de sa décision le fait que la salariée présentait des éléments de fait laissant supposer qu’elle avait relaté de bonne foi des faits constitutifs d’un délit, et qu’il appartenait à l’employeur d’établir que sa décision de la licencier était justifiée par des objectifs étrangers à cette alerte.

En effet, dans ce type de contentieux la charge de la preuve est inversée, ainsi il incombe à la partie défenderesse, en l’occurrence l’employeur, de prouver que sa décision était dument justifiée par des éléments étrangers au témoignage de la lanceuse d’alerte.

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 octobre 2024, 23-11.537)

Conclusion

Le rôle des lanceurs d’alerte est crucial tant dans la société que dans l’entreprise, contribuant à préserver l’intégrité et la conformité.

La loi offre ainsi une protection renforcée à ceux qui dénoncent de bonne foi des crimes ou délits dont ils ont été témoins.

Pour assurer la protection de vos droits en tant que lanceur d’alerte, il est recommandé de consulter un avocat exerçant en droit du travail, tel que le cabinet J2S Avocates.

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