Comment contester la démission intervenue dans le cadre d’un abandon de poste ?

Avr 28, 2025 | Rupture du contrat de travail, Droit du travail

La mise en œuvre de la présomption de démission en cas d’abandon de poste continue de susciter des précisions jurisprudentielles. Un jugement récent du Conseil de prud’hommes de Lyon illustre les contours et les limites de ce dispositif.

Retour sur cette évolution législative encore nouvelle, et son application concrète.

1) L’évolution du cadre législatif instaurant la présomption de démission en cas d’abandon de poste

Avant décembre 2022, la démission ne pouvait être présumée. Elle devait résulter d’une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de mettre fin à son contrat de travail (Cass. soc., 11 juill. 2000, n° 98-45.342 ; Cass. soc., 24 nov. 2004, n° 02-42.984).

La loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 a profondément modifié le régime applicable aux démissions, en introduisant, pour une situation bien précise, une présomption de démission en cas d’abandon de poste par le salarié.

Ainsi, l’article L1237-1-1du code du travail qui en a découlé dispose :

« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur [minimum 15 jours], est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.

L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. »

Ainsi, selon l’article R1237-13 du code du travail, le délai minimal de 15 jours dont dispose le  salarié pour justifier de son absence et éventuellement reprendre son poste de travail court à compter de la présentation de la lettre recommandée ou de la lettre remise en main propre contre décharge.

2) Les incidences de la présomption de démission sur le droit à indemnisation des salariés

Dans ce cadre très précis, en cas d’absence de réponse du salarié dans le délai indiqué, celui-ci sera réputé démissionnaire.

A ce titre, il se verra ainsi privé du versement de son indemnité de licenciement, et de son droit à l’allocation chômage d’Aide au Retour à l’Emploi (ARE), versée par France Travail.

Cela s’applique ainsi pour tout procédure engagée à compter du 19 avril 2023, après l’adoption du décret d’application n°2023-275.

3) Une présomption simple, qui peut être renversée pour motif légitime

L’article R1237-13 du même code énumère, à titre non exhaustif comme le suggère l’emploi du terme « notamment », les motifs d’absence légitimes que le salarié peut invoquer afin de faire échec à la présomption de démission :

  • Des raisons médicales
  • L’exercice du droit de retrait
  • L’exercice du droit de grève,
  • Le refus du salarié d’exercer une tâche contraire aux lois ou
  • Le refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat par l’employeur.

Ainsi, si le motif invoqué est reconnu comme légitime par les conseillers prud’homaux, la rupture sera requalifiée en licenciement abusif (appelé également licenciement sans cause réelle et sérieuse), ouvrant droit à des dommages et intérêts pour le salarié.

Ainsi, dans une décision récente, le Conseil de prud’hommes de Paris a retenu qu’une salariée ayant abandonné son poste devait être considérée comme démissionnaire, les conseillers prud’homaux s’appuyant sur les circonstances entourant son absence, et notamment les éléments suivants :

  • La salariée n’avait pas répondu aux deux mises en demeure adressées par l’employeur,
  • Elle avait déménagé en dehors de la région de son lieu de travail,
  • Elle exerçait une nouvelle activité professionnelle.

(CPH Paris, 25 avril 2024, n° 23/064)

Le Conseil de prud’hommes de Lyon a, plus récemment encore, fait une application stricte de la lettre du code du travail.

Dans cette affaire, une salariée avait répondu par écrit à la mise en demeure de son employeur relative à son absence, invoquant son refus d’une modification de son contrat de travail, laquelle se traduisait par un transfert de celui-ci.

Néanmoins, l’employeur a poursuivi sa démarche en la considérant comme démissionnaire, et lui a notifié la rupture de son contrat de travail.

La juridiction a ainsi considéré le motif invoqué par la salariée comme légitime, et la rupture intervenue a été jugée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, selon les conseillers prud’homaux, la réponse apportée par la salariée aurait dû dissuader l’employeur de poursuivre la procédure fondée sur la présomption de démission. Cela d’autant plus que ce dernier ne justifiait pas, avant la rupture du contrat, avoir communiqué à la salariée les éléments établissant l’absence de toute modification de son contrat de travail.

(CPH Lyon, 21 février 2025, n°23/02471)

Pour conclure

Bien que la présomption de démission bénéficie de quelques illustrations jurisprudentielles récentes, elle demeure une procédure que les entreprises doivent aborder avec prudence, en particulier lorsque le salarié a répondu à la mise en demeure.

Quant aux motifs d’absence pouvant être considérés comme légitimes pour faire obstacle à la présomption de démission, l’appréciation des conseillers prud’homaux dépend de chaque situation, et des éléments présentés dans le dossier.

Le salarié souhaitant contester la démission qui lui est opposée devra saisir le Conseil de prud’hommes compétent et sera jugé directement par le bureau de jugement, généralement dans un délai d’un mois, sous réserve de l’organisation et des disponibilités du Conseil de prud’hommes compétent.

Le cabinet J2S Avocates accompagne les salariés souhaitant contester la présomption de démission qui leur est imputée, ainsi que, de manière plus générale, tout salarié désirant contester la rupture de leur contrat de travail.

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