Harcèlement moral au travail , le rôle de la preuve et ses enjeux

Fév 17, 2025 | Harcèlement moral et sexuel

Le harcèlement moral est défini par l’article L. 1152-1 du Code du travail.

Il se traduit par des agissements répétés qui entraînent une dégradation des conditions de travail pour le salarié et qui ont pour effet de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à l’état de santé du salarié, tout en compromettant son avenir professionnel. 

Si les conséquences humaines et professionnelles sont souvent dramatiques, l’administration de la preuve demeure l’un des principaux obstacles pour les victimes de situations de harcèlement moral, dans le cadre d’un contentieux prud’homal.

I. La répartition de la charge de la preuve du harcèlement moral au travail

L’article L. 1154-1 du Code du travail a toutefois aménagé les règles probatoires pour permettre au salarié d’établir les faits allégués tout en ménageant les droits de l’employeur. 

Les principes encadrant le rôle de la preuve en matière de harcèlement moral sont les suivants :

1. Présentation par le salarié d’éléments précis et concordants

Le salarié qui s’estime victime de harcèlement moral au travail doit, dans un premier temps, produire des éléments de fait précis, concrets et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement. 

Ces preuves doivent permettre de dégager une présomption sérieuse de harcèlement moral, sans pour autant établir une démonstration parfaite de la situation subie.

2. La réponse de l’employeur : prouver l’absence de harcèlement

Si le salarié satisfait à cette première étape, l’employeur doit, à son tour, démontrer que les faits invoqués :

  • Relèvent de décisions de gestion légitimes ;
  • Ne constituent pas des agissements de nature à caractériser un harcèlement moral.

Cette répartition des rôles vise à garantir une confrontation équitable des arguments tout en assurant une protection accrue au salarié.

II. Le rôle essentiel du juge en matière de preuve du harcèlement moral au travail

En matière de harcèlement moral au travail, le juge joue un rôle central. Il apprécie souverainement les faits et évalue si les éléments apportés par chaque partie permettent de conclure à l’existence d’un harcèlement.

1. Les principes directeurs de l’appréciation judiciaire :

  • Les faits invoqués par le salarié doivent être mis en perspective avec le contexte professionnel ;
  • Les explications de l’employeur doivent être justifiées et proportionnées pour écarter toute interprétation abusive de ses actes.

Le principe jurisprudentiel veut que le doute profite au salarié. Cependant, en pratique, ce principe n’est pas toujours appliqué par les conseillers prud’homaux. 

Ce mécanisme de protection a été consolidé par de nombreuses décisions judiciaires, confirmant ainsi la portée préventive et réparatrice du droit du travail.

2. L’admissibilité des moyens de preuve

Dans un arrêt récent (Cass. soc. 18 juillet 2024, n° 23-14.900), la Cour de cassation s’est prononcée sur l’admissibilité des enregistrements clandestins en matière de harcèlement moral au travail. 

Elle rappelle que ces preuves ne doivent pas être automatiquement rejetées mais qu’elles doivent faire l’objet d’un contrôle rigoureux par les juges du fond.

En effet, les juges du fond doivent :

  • vérifier si la production de l’enregistrement est indispensable à l’exercice du droit à la preuve ;
  • s’assurer que l’atteinte au respect de la vie personnelle de l’employeur ou de la personne mise en cause est strictement proportionnée au but poursuivi.

Dans l’affaire du 18 juillet 2024, la Cour de cassation a rappelé que les juges du fond sont tenus d’effectuer ce contrôle avant de rejeter un tel moyen de preuve. 

Ce raisonnement s’inscrit dans la lignée d’un arrêt du 14 janvier 2024 (n° 22-17.474), qui avait déjà établi que la production d’une preuve déloyale, telle qu’un enregistrement clandestin, pouvait être admise si elle était déterminante et pertinente, même si d’autres éléments pouvaient également être apportées par le salarié.

Ces décisions marquent une évolution importante en matière de harcèlement moral au travail, où l’équilibre entre respect de la vie privée et droit à la preuve joue un rôle fondamental.

III. Conseils pratiques pour constituer un dossier solide

Face à la subtilité et au caractère parfois dissimulé des faits de harcèlement, une préparation rigoureuse du dossier est essentielle :

  1. Documenter systématiquement les faits : tenir un journal, conserver des échanges ou collecter des preuves écrites ;
  2. Solliciter des témoignages : obtenir des attestations de collègues ou de tiers ayant constaté les agissements dénoncés ;
  3. Consulter un professionnel de santé : faire établir un lien médical entre les faits subis et leur impact sur la santé ;
  4. S’entourer de conseils juridiques : un avocat peut guider le salarié dans la constitution d’un dossier adapté aux exigences des juridictions.

Conclusion

L’aménagement de la charge de la preuve en matière de harcèlement moral traduit la volonté du législateur et de la jurisprudence de protéger les victimes tout en garantissant une défense équitable à l’employeur. Toutefois, le succès d’une action repose sur une constitution méthodique des preuves et une appréciation minutieuse des faits par les juges.

Pour les salariés confrontés à cette problématique, il est recommandé de se faire accompagner par un cabinet d’avocats exerçant en droit du travail. J2S Avocates, cabinet en droit du travail, situé à Lyon, se tient à votre disposition pour valoir vos droits et assurer votre défense.

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